LOGO église et histoire

Saint Maurice



Dernière mise à jour
le 17/02/2022

Plan du site
Menu en haut de page
Aide
Retour à la liste des saints

Vitrail
(église de Neuville-les-Dames)
Baie numéro 04
Fête 22 septembre, mémoire facultative en Suisse
Mortvers l’an 287
Saints contemporains
NomNaissanceMortFonction
saint Victor de Marseillevers l’an 303
sainte Philomènevers l’an 300
saint Julien de Brioudevers l’an 304
saint Romain d’Antioche303
saint Mauricevers l’an 287
saint Antoine le Grand, Antoine du Désert, Antoine d’Égyptevers l’an 251356

Maurice vient de mare, mer, et de cis ; qui veut dire vomissant ou bien dur ; et de cis, signifiant conseilleur ou qui se hâte. Ou bien il vient de Mauron, qui, d'après Isidore, signifie noir, en grec. En effet, il eut amertume dans l’habitation de misère et dans l’éloignement de sa patrie. Il fut vomissant en rejetant le superflu ; dur et ferme en souffrant les tourments ; conseilleur, par les exhortations qu'il adressa à ses compagnons d'armes. Il se hâta par la ferveur et la multiplicité de ses bonnes œuvres ; il fut noir, parce qu'il se méprisa lui-même. Le bienheureux Eucher, archevêque de Lyon, écrivit et compila leur martyre.

Maurice passe pour avoir été le chef de la légion qu'on appelle Thébaine. On la nomma ainsi de Thèbes qui fut sa ville. C'est un pays situé dans l’Orient au-delà des confins de l’Arabie, riche, fertile en fruits, et délicieux par les arbres dont il est planté. Ses habitants passent pour avoir une grande taille. Ils sont adroits à manier les armes, intrépides dans les combats, d'un caractère éclairé et très riches en sagesse. Cette ville eut cent portes ; elle était située sur le Nil qui sort du paradis et qui se nomme Gyon. C'est d'elle qu'on a dit : Ecce vetus Thebea centum jacet obruta portis (1).

Saint Jacques, frère du Seigneur, prêcha la parole du salut et en perfectionna les habitants dans la foi de Jésus-Christ. Or, Dioclétien et Maximien, qui régnèrent en l’an du Seigneur 277, voulant détruire absolument la foi, envoyèrent des lettres ainsi conçues dans toutes les provinces habitées par les chrétiens : « S'il était besoin de déterminer et de savoir n'importe quoi, et que le monde entier fût assemblé d'un côté et que Rome seule se trouvât de l’autre, le monde entier vaincu s'enfuirait et Rome resterait seule au faîte de la science. Pourquoi donc vous, chétive populace, résistez-vous à ses ordres et vous enorgueillissez-vous si ridiculement contre ses prescriptions ? Ou bien donc recevez la foi des dieux immortels, ou bien une sentence irrévocable de condamnation sera lancée contre vous. »

Or, les chrétiens qui reçurent ces lettres renvoyèrent tous les messagers sans réponse. Alors Dioclétien et Maximien, poussés par la colère, envoyèrent dans toutes les provinces des ordres par lesquels tous ceux qui étaient en état de porter les armes devaient se rendre à Rome, afin de soumettre tous les rebelles à l’empire romain. Les lettres des empereurs furent portées au peuple de Thèbes, qui rendait, suivant le commandement divin, à Dieu ce qui était dû à Dieu, et à César ce qui appartenait à César.

On leva donc une légion d'élite composée de 6666 soldats qu'on envoya aux empereurs, afin de leur venir en aide dans les guerres justes, mais non pour porter les armes contre les chrétiens qu'ils devaient défendre de préférence. À la tête de cette très sainte légion se trouvait l’illustre Maurice : les porte-étendards étaient Candide, Innocent, Exupère, Victor et Constantin. Dioclétien envoya contre les Gaules Maximien, qu'il s'était donné pour collègue à l’empire, avec une armée innombrable à laquelle il joignit la légion Thébaine. Ils avaient été exhortés par le pape Marcellin à se laisser égorger avant de violer la foi de Jésus-Christ qu'ils avaient reçue.

Quand toute l’armée eut franchi les Alpes et fut arrivée à Octodunum, l’empereur ordonna que tous ceux qui étaient avec lui offrissent un sacrifice aux idoles, et s'unissent par un serment unanime contre les rebelles à l’empire et principalement contre les chrétiens (2). Quand les saints soldats apprirent cela, ils se retirèrent de l’armée à une distance de huit milles, et se placèrent dans un endroit agréable nommé Agaune, sur le Rhône. Aussitôt informé, Maximien leur envoya, par des soldats, l’ordre de venir de suite pour sacrifier aux dieux. Ils répondirent qu'ils ne pouvaient le faire, attendu qu'ils suivaient la foi de Jésus-Christ. Alors l’empereur, enflammé de colère dit : « Au mépris qu'on fait de moi se joint une injure adressée au ciel, et avec moi la religion des Romains est méprisée. Que le soldat rebelle apprenne que je puis non seulement me venger, mais venger encore mes dieux. »

Le César envoya alors des soldats, avec ordre de les forcer à sacrifier aux dieux ou de les décimer sur-le-champ. Les saints présentèrent donc la tête avec joie ; chacun disputait le pas à l’autre et se hâtait de parvenir à la mort. Alors saint Maurice se leva et les harangua en disant entre autres choses : « Je vous félicite de ce que vous êtes tous prêts à mourir pour la foi de Jésus-Christ. J'ai laissé tuer vos camarades, parce que je vous ai vus disposés à souffrir pour Jésus-Christ, et j'ai gardé le précepte du Seigneur qui dit à saint Pierre : "Mettez votre épée dans le fourreau." Donc puisque les cadavres de nos camarades sont déjà comme un rempart autour de nous, et que nos vêtements sont rougis du sang de nos compagnons, nous aussi, suivons-les au martyre. Or, voici, si vous le trouvez bon, ce que nous répondrons à César : "Nous sommes vos soldats, Empereur, et nous avons pris les armes pour la défense de la république ; chez nous il n'y a point de trahison, point de peur, mais jamais nous n'abandonnerons la foi de Jésus-Christ." »

Quand l’empereur apprit cela, il ordonna une seconde fois qu'on en décapitât un sur dix. Cette exécution achevée, Exupère, enseigne, prit le drapeau, et, debout au milieu de ses compagnons d'armes, il parla ainsi : « Notre glorieux commandant Maurice a dit la gloire de nos camarades, Exupère, votre enseigne, n'a pas non plus pris ces armes pour résister ; Que nos mains droites jettent ces armes de la chair et qu'elles s'arment de vertus et si vous le trouvez bon, adressons cette réponse à César : "Nous sommes tes soldats, Empereur, mais nous sommes aussi les serviteurs de Jésus-Christ ; nous le professons librement : nous te devons le service militaire, mais à lui notre innocence ; de toi nous recevons la solde de notre labeur, et de lui nous avons reçu la vie dès le commencement : nous sommes disposés à souffrir pour lui tous les tourments, et jamais nous ne déserterons sa foi." »

Alors l’impie César ordonna que son armée entourât la légion tout entière, en sorte que pas un ne pût échapper. Les soldats du Christ furent investis par les soldats du diable, et massacrés par leurs mains infâmes ; foulés aux pieds des chevaux, ils reçurent la consécration du martyre. Or, ils souffrirent vers l’an du Seigneur 280 (3). Dieu permit qu'il s'en échappât plusieurs ; ils vinrent en d'autres pays prêcher le nom de Jésus-Christ et obtinrent aussi les honneurs du triomphe dans des lieux différents. Parmi eux, on dit que se trouvèrent Solutor, Adventor et Octavius qui vinrent à Turin, Alexandre à Pergame, Second à Vintimille, ainsi que saint Constant, Victor, Ursus et plusieurs autres. Or, pendant que ces bourreaux se partageaient le butin et qu'ils mangeaient ensemble, passa un vieillard nommé Victor, qu'ils invitèrent à manger avec eux. Victor leur demanda comment ils pouvaient manger avec joie au milieu de tant de milliers de cadavres. Et quelqu'un lui ayant appris qu'ils étaient morts pour la foi de Jésus-Christ, il se mit à soupirer et à gémir amèrement, en disant tout haut qu'il eût été bienheureux s'il eût partagé leur martyre. Les soldats ayant découvert qu'il était chrétien, se ruèrent sur lui et l’égorgèrent à l’instant (4).

Plus tard, Maximien à Milan et Dioclétien à Nicomédie déposèrent la pourpre le même jour pour vivre en simples particuliers et pour que de plus jeunes qu'eux : Constance, Maxime et Galère qu'ils avaient faits césars, gouvernassent l’empire. Mais comme Maximien voulait encore gouverner tyranniquement, il fut poursuivi par Constance, son gendre, et étranglé. Toutefois, le corps de saint Innocent, de la même légion, qui avait été jeté dans le Rhône, fut enseveli avec d'autres dans une église par Domitien, évêque de Genève, Gratus, évêque d'Aoste, et Protaise, évêque du même pays. Quand on construisit cette église, il s'y trouva un ouvrier païen qui, pendant la solennité des offices d’un dimanche auxquels les autres assistaient, travaillait seul de son métier. Alors parut l’armée des saints ; cet ouvrier fut saisi, battu et accusé de ce qu'il s'était mis à son œuvre servile et travaillait pendant le jour de dimanche quand les autres assistaient au service divin. Quand il eut été corrigé, il courut à l’église et demanda à se faire chrétien. Saint Ambroise parle ainsi de ces martyrs dans sa préface : « Cette troupe de fidèles, éclairée de la lumière divine, vint des extrémités du monde pour vous adresser, Seigneur, ses supplications ; cette légion de guerriers, protégée par ses armes matérielles, était aussi bien défendue par les armes spirituelles, quand elle courut au martyre avec la plus généreuse constance. Le cruel tyran, pour les effrayer par la crainte, les fait mourir en les décimant ; mais comme tous persistaient imperturbablement à confesser la foi, il les fait égorger tous de la même manière. La ferveur, au reste, les animait, au point qu'ils se dépouillent de leurs armes, fléchissent le genou et reçoivent les coups de la main des bourreaux avec la joie au cœur. Parmi eux saint Maurice, embrasé d'amour pour votre foi, a gagné en ce combat la couronne du martyre. »

Une femme avait confié son fils pour l’instruire, à l’abbé du monastère où reposent les corps des saints martyrs ; cet enfant mourut et elle le pleurait sans pouvoir se consoler. Saint Maurice lui apparut et lui demanda pourquoi elle pleurait ainsi son fils. Elle lui répondit que tant qu'elle vivrait, elle ne cesserait de verser des larmes. Il lui dit : « Ne le pleure pas comme mort, mais sache qu'il habite avec nous : si tu désires en être certaine, demain et chaque jour de ta vie, si tu te lèves pour assister aux matines, tu pourras entendre sa voix parmi celles des moines qui psalmodient. » Ce qu'elle fit, et toujours elle put distinguer la voix de son fils qui chantait avec les moines.

Après que le roi Gontran eut renoncé aux pompes du siècle et distribué ses trésors aux pauvres et aux églises, il envoya un prêtre pour lui apporter des reliques de ces saints. Comme ce prêtre revenait avec les reliques qu'il avait obtenues, une tempête qui s'éleva sur le lac de Lausanne allait engloutir le vaisseau ; il opposa la châsse avec les reliques contre les flots, et à l’instant il se fit un calme complet.

L'an du Seigneur 963, par l’entremise de Charles, des moines obtinrent du pape Nicolas les corps de saint Urbain, pape, et de saint Tiburce, martyr. À leur retour, ils visitèrent l’église des Saints-Martyrs, et demandèrent à l’abbé et aux moines de transporter le corps de saint Maurice et le chef de saint Innocent à Auxerre, dans l’église que saint Germain avait dédiée depuis longtemps à ces saints martyrs.

Pierre Damien rapporte qu'il y avait en Bourgogne un clerc orgueilleux et cupide qui s'était emparé d'une église dédiée à saint Maurice, malgré la résistance d'un puissant chevalier. Or, comme on chantait un jour la messe et que l’on disait à la fin de l’évangile : « Celui qui s'élève sera humilié et celui qui s'humilie sera élevé », ce misérable se mit à rire en disant : « C'est faux ; car si je m’étais humilié devant mes adversaires, je ne jouirais pas aujourd'hui des abondantes richesses de l’Eglise. » Et voici que la foudre entra comme un glaive dans la bouche de celui qui avait vomi ces paroles blasphématoires et le tua tout d'un coup.

Sources
  • Nominis
  • Légende dorée rédigée en latin entre 1261 et 1266 par Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes, d'après ses actes écrits par saint Eucher de Lyon.

Notes

(1) Contemplez les débris de Thèbes aux cent portes. Retour

(2) Ce fut à Martigny-le-Bourg, où se conservent encore de remarquables fragments d'un temple de Jupiter, que fut imposé le sacrifice. Cf. Histoire de l’Architecture sacrée, par Blavignac, p. 38. Retour

(3) Eucher, ibid. Retour

(4) Eucher, ibid. Retour